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| Sujet: Les sources du droit social Maritime Ven 10 Juil - 21:15 | |
| P. CHAUMETTE, Droits Maritimes, J.P. Beurier (dir.), Dalloz Action, 2è éd., 2008. Diversités des sources du droit social des gens de mer 411.04 Questions principales. Le droit social des gens de mer s’est construit dans un cadre national, autonome. En dépit des spécificités du travail en mer, ce secteur du droit a subi l’évolution du droit social général, tant en matière de travail que de protection sociale. La construction du marché commun a imposé l’ouverture de ce cadre national, en raison de la liberté de circulation des travailleurs et du principe d’égalité de traitement des ressortissants communautaires. Le renforcement de la sécurité maritime a conduit le droit communautaire à se préoccuper du travail maritime. La concurrence internationale des pavillons de complaisance a imposé le dédoublement du droit social national à travers les registres internationaux ou d’outre-mer, constitués par les États membres afin de permettre l’emploi de marins non communautaires à des conditions internationales. section 1 De la fin de l’autonomie 411.10L’autonomie. La stabilité du droit du travail maritime a disparu, comme son autonomie. Les marins étaient des inscrits maritimes, immatriculés par l’administration maritime, attendant de toucher à 55 ans leurs invalides, c’est-à-dire leur pension de retraite. Si leurs métiers sont durs, ils bénéficient de la protection des pouvoirs publics, sur le plan économique, mais aussi des relations professionnelles, à travers le visa du rôle d’équipage, la tentative de conciliation devant l’administrateur des affaires maritimes en cas de litige avec l’armateur.Le Code du travail maritime, né en 1926, mais aux origines colbertiennes, prologées dans le code de commerce de 1810, cristallise l’autonomie avec l’Établissement des invalides de la marine. Le secteur de la marine marchande était caractérisé, depuis la Seconde Guerre mondiale, par une forte négociation collective de branche, rendue obligatoire par arrêtés ministériels d’extension, donc par une forte intervention de l’État, en matière de formation maritime, d’aides aux armateurs[sup][1][/sup]. L’autonomie de la formation professionnelle maritime, les spécificités de ses titres et brevets sont liées aux particularités du travail en mer, mais elles se justifiaient également par la volonté commune de l’État, des armateurs et des syndicats de marins de clore le marché du travail maritime. Une véritable carrière était ouverte aux marins qui, débutant comme mousses, pouvaient acquérir des brevets et gravir les échelons des fonctions[sup][2][/sup]. Pour éviter la pénétration d’éléments extérieurs et la sortie précoce de l’activité maritime, les équivalences avec les qualifications terrestres étaient réduites. La stabilisation et la titularisation, mises en oeuvre conventionnellement entre 1944 et 1950, constitueront le point d’orgue de la réalisation du statut du marin professionnel[sup][3][/sup]. À la pêche, la situation est proche ; mais doté de particularités : la négociation collective n’est pas nationale, mais portuaire ou d’entreprise à la pêche industrielle ; elle était inexistante à la pêche artisanale caractérisée par le salaire à la part de pêche, le salaire aux profits éventuels. Cependant, les exigences du salaire minimum et de la réduction du temps de travail ont conduit en 2001 à la conclusion d’un accord national, étendu en 2003 par arrêté ministériel[4]. La rémunération est directement liée au volume et à la valeur des apports. La tutelle de l’État, de l’administration des affaires maritimes, encadre le jeu de la négociation individuelle, par le contrôle de légalité des contrats lors du visa du rôle d’équipage, puis la répartition des parts de pêche[sup][5][/sup]. Les secteurs maritimes disposent du Code du travail maritime, du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, du décret-loi du 17 juin 1938 qui organise l’Établissement national de la marine, régime de sécurité sociale des marins, géré par le ministère des Transports. 411.11Fin de l’autonomie ? À partir de 1945, le droit du travail maritime perd son autonomie ; le Code du travail maritime de 1926 doit être articulé avec le Code du travail de 1910, en ce qui concerne le droit des groupements professionnels et la liberté syndicale, les institutions représentatives du personnel, le droit de la négociation collective, les conflits collectifs de travail, le salaire minimum interprofessionnel, la réglementation des salaires, qui complète l’encadrement des loyers du marin. Tout au plus, il existe des mesures d’adaptation des dispositions générales aux secteurs maritimes, ainsi quant aux délégués du personnel devenus délégués de bord.Au-delà de la relation individuelle de travail liant le marin à l’entreprise d’armement maritime, des relations collectives se sont nouées. Des conventions collectives nationales de travail, étendues par arrêtés ministériels, ont été conclues en 1948 et 1950, assurant pour la marine marchande une adaptation du Code du travail maritime de 1926, la stabilisation des marins, la titularisation des officiers, un droit disciplinaire d’entreprise. L’inscription maritime a disparu en 1965.Le maintien du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, né en 1852, jusqu’à nos jours, ne saurait cacher ses multiples retouches intervenues notamment en 1960 et 1993, ni dissimuler la totale séparation des activités maritimes civiles et militaires. Dans les années 1980, ces relations collectives se sont nouées essentiellement dans les entreprises, dans la négociation des congés, des effectifs à bord, des plans sociaux.Le contrat d’engagement est devenu un contrat de travail particulier liant le marin à l’entreprise d’armement maritime, beaucoup plus qu’au navire ou à l’expédition maritime. Au-delà du voyage, le marin fut stabilisé dans l’entreprise. La loi no 77-507 du 18 mai 1977 étend et adapte aux marins le droit du licenciement ; elle retient une définition spécifique du licenciement maritime[sup][6][/sup]. Le législateur français n’a cependant pas choisi de distinguer clairement le lien d’entreprise du contrat d’embarquement, la relation de travail des conditions d’embarquement. Il en résulte une confusion des sources du droit du travail maritime, des difficultés d’interprétation des textes, aussi bien à la pêche qu’au commerce[sup][7][/sup].La loi no 97-1051 du 18 novembre 1997 d’orientation sur la pêche et les cultures marines étend au capitaine de navire le droit du licenciement. Le Code du travail maritime ne peut plus être lu seul, sans l’aide du Code du travail. Les articles L. 742 du Livre VII de l’ancien Code du travail précisent les dispositions applicables et renvoient vers le Code du travail maritime la réglementation du contrat d’engagement maritime et des conditions de travail à bord des navires. Il en résulte une imbrication d’autant plus complexe que le contrat d’engagement maritime a changé de nature. La jurisprudence s’est efforcée de construire une cohérence des textes, notamment quant au sort des marins accidentés du travail : dans le silence du législateur, la loi nouvelle s’applique aux marins, sauf dispositions spécifiques prévues notamment par le Code du travail maritime, ou adaptations précisées au Livre VII du Code du travail. Cette extension a concerné le reclassement des marins accidentés du travail, la mise d’office à la retraite, la fin de la prescription annale[sup][8][/sup]. Cette tendance à la banalisation du droit du travail maritime n’est pas univoque. En matière de durée du travail, les règles générales du Code du travail s’appliquent aux entreprises d’armement maritime, tout en laissant place aux dispositions réglementaires spécifiques[sup][9][/sup]. Ainsi la définition des temps de travail effectif ou de repos sont particulières ; il n’existe pas d’astreinte à bord[sup][10][/sup]. Des décrets d’application, adaptant les mesures légales aux particularités du travail maritime, sont le plus souvent nécessaires[sup][11][/sup].La jurisprudence a réaffirmé l’autonomie du régime de sécurité sociale des gens de mer, l’ENIM, notamment en matière d’indemnisation des accidents du travail : le décret-loi du 17 juin 1938 ne saurait être complété par les dispositions du Code de la sécurité sociale, même quant au recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur[sup][12][/sup]. Le prochain post abordera le théme du "Du nouveau Code du travail et du Code des transports à venir" [sup][1][/sup] G. Ripert, Droit maritime, t. I, Dalloz, 1950 — R. Jambu-Merlin, Les gens de mer, Traité général de droit maritime, R. Rodière (dir.), Dalloz, Paris, 1978.[sup][2][/sup] A. Cabantous, La mer et les hommes. Pêcheurs et matelots dunkerquois de Louis XIV à la Révolution, Westheck Éd., 1980 ; Dix mille marins face à l’océan : les populations maritimes de Dunkerque au Havre (1660-1794), Publisud, 1991 ; Les citoyens du large : les identités maritimes en France (xviie-xixe), Aubier, Paris, 1995.[sup][3][/sup] C. Paradeise et Fr. Vourc’h, « Problèmes de régulation d’un marché du travail corporatiste : la marine marchande », Rapp. au min. des Transports, DGRST, 1982 — P. Chaumette, Le contrat d’engagement maritime - Droit social des gens de mer, Cnrs, Paris, 1993.[4] Accord national, 28 mars 2001, étendu par Arr. min. 3 juill. 2003, JO 3 sept., 15051 — P. Chaumette, « Une grande première à la pêche artisanale. L’accord collectif national du 6 juillet 2000 relatif à la rémunération minimale garantie, aux frais communs et à la réduction du temps de travail », DMF 2000, 1093-1101.[sup][5][/sup] G. Podevin (dir.), Le contrat d’études prospectives pour le secteur des pêches maritimes, Doc. fr., coll. « Prospective, formation, emploi », Paris, 2002 — A. Gouzien, « Les mécaniciens à la pêche maritime : diversité des identités professionnelles et des stratégies de carrière, entre terre et mer », dans Entre terre et mer - Sociétés littorales et pluriactivités (xve-xxe s.), PU Rennes, Rennes, 2004, p. 371-376 ; « Pénurie de marins et carrières professionnelles à la pêche maritime », Journées 2004 de l’Observatoire des Droits des Marins, Maison des Sciences de l’Homme Ange Guépin, Nantes 2004, p. 167-177.[sup][6][/sup] P. Chaumette, « La distinction de la rupture unilatérale et du licenciement maritime », note sous CA Rennes, 5e ch., 6 janv. 2004, DMF 2004, 360.[sup][7][/sup] M. Le Bihan-Guénolé, Droit du travail maritime. Spécificité structurelle et relationnelle, L’Harmattan, coll. « Logiques juridiques », Paris, 2001.[sup][8][/sup] Ass. plén., 7 mars 1997, no 95-40.169, P.A. de Bordeaux, Bull. Ass. plén., no 2 ; DMF 1997, 377, concl. Y. Chauvy ; JCP G 1997, II, 22863, note M. Pierchon ; Dr. soc. 1997, 424, obs. P. Chaumette — Soc. 27 févr. 2002, no 98-46.290, Sté Jégo Quéré c/M. Le Coz, NPBT, DMF 2002, 608-612, obs. P. Chaumette_— Soc. 21 déc. 2006, n° 05-12.816, Sté BAI, Bull. civ. V, n° 412 ; D. 2007, 217, note J. Cortot ; Dr. soc. 2007, 243-246 note P. Chaumette.[sup][9][/sup] P. Chaumette, « L’organisation et la durée du travail à bord des navires », DMF 2003, 3-30.[sup][10][/sup] Soc. 15 oct. 2002, no 00-17.504, Union syndicale des marins et pêcheurs c/Sté Seafrance, Bull. civ. V, no 314 ; Dr. soc. 2002, 1147 ; DMF 2003, 68-77.[sup][11][/sup] CA Paris, 1re ch., 28 janv. 2004, Union maritime CFDT, DMF 2004 512 — Soc. 11 juill. 2007, no 06-40.380, Bull. civ. V, no 122 : réaffirmant sur le fondement de l’article L. 742-1 du Code du travail, l’autonomie des dispositions relatives à la durée du travail.[sup][12][/sup] Civ. 2e, 23 mars 2004, no 02-14.142, ENIM c/M. Beusnard et a., chalutier Petit Rémy, NPB, Dr. soc. 2004, 676 ; DMF 2004, 716-722. | |
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