27/04/2008 16:55
Le port de Rotterdam, toujours plus au largePar
ses investissements et son mode de gestion, le premier port européen
s’affirme comme une référence au moment où la France commence sa
réforme portuaire
Devant l’étendue sans borne de la mer
du Nord, il faut beaucoup d’imagination pour croire qu’en 2013 ces
masses d’eau laisseront la place à mille hectares de terre ferme. Ou,
plus exactement, d’alignements de quais et d’étagements de conteneurs.
Les
travaux du « Maasvlakte 2 » (plaine de la Meuse), projet phare (si l’on
ose), du port de Rotterdam, doivent démarrer en septembre. Gagner du
terrain sur la mer est une tradition au pays des polders et une
nécessité pour l’expansion du premier – de très loin – port européen.
Rotterdam poursuit ainsi son extension à plus de 40 km du centre-ville,
où commencent ses infrastructures portuaires.
Le port, déjà au
contact avec le large par des quais donnant sur vingt-quatre mètres de
profondeur, s’enorgueillit d’accueillir les plus gros porte-conteneurs.
Ce à quoi ne peuvent prétendre ses concurrents d’Anvers et de Hambourg.
« Autre différence, les bateaux n’ont pas à tenir compte des marées
pour rentrer », explique à
La Croix le PDG du port de
Rotterdam, Hans Smits. Le Havre, reconnaît-il, présente un atout
comparable mais sans en tirer autant profit,
faute de liaisons aussi
sophistiquées avec l’arrière-pays.(NDLR-A quoi bon parler de réforme portuaire en tirant sur les dockers ou les remorquaurs sans prévoir le post et préacheminement)
L’autre point fort de
Rotterdam est en effet son intégration directe, marché unique aidant,
au territoire européen, en particulier allemand. Les minerais de fer
pour ThyssenKrupp, en vrac sur un quai, gagnent ensuite la Ruhr
sidérurgique. Un bassin plus loin, une grue flottante décharge un cargo
directement sur des chalands.
« Nous sommes le premier port de l’Autriche ! »«
Regardez cette barge chargée de conteneurs qui part vers l’intérieur »,
pointe Hans Smits du haut de sa tour de bureaux surplombant un bras de
la Meuse. Situé à la triple embouchure de ce fleuve, du Rhin et de
l’Escaut, Rotterdam sert de grand port fluvial à toute l’Europe. « Nous
sommes le premier port de l’Autriche ! » se plaît à préciser le PDG.(
NDLR:A quand un canal Le Havre -Autriche)
L’intégration
au continent ne fait que se renforcer. Le gouvernement néerlandais
investit pour faire passer à deux fois cinq voies l’autoroute sortant
du port. Une ligne ferroviaire, réservée aux seuls trains de
marchandises, fonctionne depuis l’été dernier. Cette Betuweroute, qui a
coûté 4,7 milliards d’euros, relie directement le port au réseau ferré
allemand sur 160 km. Elle devrait être aussi exploitée plus tard par
les français Veolia
(NDLR-Cà c'est un vrai Monopole)et Fret-SNCF.
Pour l’heure, on y croise des
convois de charbon débarqué du Brésil partant alimenter les centrales
électriques de la Sarre. Hans Smits anticipe déjà l’impact de la
fermeture des centrales au charbon outre-Rhin, en 2012, sur le chiffre
d’affaires de Rotterdam, qui est directement proportionnel aux tonnes
de matières manipulées.
Il mise sur l’allemand E.ON, qui est
en train de construire une deuxième centrale au charbon sur le site
portuaire, et sur Electrabel (groupe Suez), qui prévoit aussi de le
faire. Un terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) est aussi programmé,
tout comme sept raffineries d’agrocarburants, entre autres projets.
Diriger
Rotterdam, ce n’est pas seulement gérer l’accès au port, c’est aussi
tirer au mieux parti d’un espace servant à la fois de zone industrielle
et de plate-forme de distribution pour l’Europe. Rotterdam se targue
d’être ouvert aux bateaux 24 h/24 et sept jours sur sept, toujours au
même tarif. Les centres de logistique commencent à même les quais,
comme celui des chaussures Reebok.
Un cargo plein de raisins
arrive d’Afrique du Sud devant des poids-lourds immatriculés aussi bien
en Estonie qu’en Pologne ou en Italie, et qui attendent leur chargement
au port des fruits, légumes et jus de fruits. Aujourd’hui, un passage
de quelques heures à Rotterdam doit se justifier. Puisqu’un navire
transportant jusqu’à 10.000 conteneurs en provenance d’Asie limite ses
arrêts, le port néerlandais se positionne pour être sa première
destination en Europe, c’est-à-dire celle où il déchargera le plus
pour, de là, desservir le marché européen.
« Même les vins du
Piémont transitent par ici plutôt que par Gênes », remarque Minco van
Heezen, responsable de la communication du port , rappelant combien,
pour la petite économie très ouverte que sont les Pays-Bas, ce
libre-échange intra-européen est vital.
70.000 personnes y travaillent«
L’intérêt porté au transport et à la logistique est dans nos gènes,
dans notre culture depuis des siècles », insiste Hans Smits, qui
présidait auparavant le grand aéroport néerlandais de Schiphol, à
Amsterdam. Preuve de cet intérêt national, si le port de Rotterdam est
passé du statut de régie municipale à celui de société anonyme en 2004,
son capital reste entièrement public.
(NDLR-La privation pour les autres et le public pour certain-Faites ce que je dis mais pas ce que je fais) Détenu aux trois quarts
par la Ville et à un quart par l’État, il est trop stratégique pour
être ouvert. Le gouvernement, investissant l’un des trois milliards
d’euros que va coûter le projet Maasvlakte 2, va d’ailleurs, en
contrepartie, monter à 33 % du capital. « On ne cherche pas à maximiser
nos profits, mais un équilibre entre rentabilité et intérêt national (
NDLR-Nous en France on parle d'Intérêt Général)»,
explique Hans Smits.
Cela n’interdit pas aux 3.000 entreprises
(étrangères pour beaucoup) œuvrant sur le port de relever du privé.
Comme l’essentiel des 70.000 personnes, surtout néerlandaises, qui y
travaillent. Aucun monopole ne règne sur les bassins. (
NDLR-mais il n'ya pas véritablement de concurrence mais une mutualisation des moyens: en deux mots entente)Trois compagnies
de remorquage des navires s’y font concurrence. Les grands noms du
transbordement sont aussi présents, comme ECT (groupe hongkongais
Hutchison Whampoa), APMT (groupe danois Maersk) ou DP World, propriété
de l’État de Dubaï, qui va gérer le futur terminal à conteneurs de
Maasvlakte 2 avec, notamment, le français CMA-CGM.
« Ici, une
personne qui fait quatre heures sur une grue en fait ensuite quatre
autres sur les quais »,(
NDLR: Pourquoi ils ne font pas 7 jours 24 heures et 7 jours à la maison) décrit Minco van Heezen. Mais le port
s’automatise aussi. Il est le seul en Europe, avec Hambourg, à offrir
un terminal à conteneurs où les camions se déplacent sans conducteur,
comme des voitures téléguidées. « Notre mission n’est pas de redevenir
le plus grand port au monde, mais le plus en pointe », résume Hans
Smits.
Ayant accueilli en octobre dernier François Fillon « en
voyage d’études aux Pays-Bas »,
(NDLR-Notre premier ministre qui reprend des études ? Il déclarait il n'y a pas si longtemps que la concurrence entre deux opérateurs se terminait toujours par une entente)selon l’expression du premier ministre
français, le PDG espère « servir d’exemple aux autres ports ». Bien que
le port néerlandais échange peu avec la France, la construction du
canal Seine-Escaut pour 2014 devrait, selon la mission économique
française aux Pays-Bas, drainer un nouveau trafic fluvial vers
Rotterdam.
Qui promet ainsi d’être, davantage encore, un rude
concurrent pour Le Havre ! Mais, assure Hans Smits, le trafic de
conteneurs dans le monde devant « doubler d’ici 8 à 10 ans », il y a de
place pour tout le monde. À condition, prévient-il, « d’avoir investi
dans les capacités ».
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Sébastien MAILLARD à Rotterdam |