Particularités du Dossier du Remorquage Havrais et
de la politique menée par le nouvel opérateur.
Le nouvel opérateur Havrais de
Remorquage utilise comme beaucoup d’Armateurs les dispositifs légaux Européens
pour son montage Financier. En
l’occurrence les possibilités offertes par les montages « one ship, one
company ». Le principe en est très simple, des sociétés propriétaires des
navires sont basées à Malte, elles perçoivent les loyers de leur navires, sont
imposées à 0% et versent à leurs actionnaires Hollandais des dividendes avec une retenue à la source
de 5 à 10%. L’opérateur Havrais qui lui ne dégage pas de résultat sert ainsi de
« pompe à dividende » pour les actionnaires mais ne paye pas d’Impôt sur
les sociétés en France. L’intérêt d’un tel montage, tout à fait légal, profite
d’une part aux banques qui augmentent leur garantie d’être remboursée mais
aussi à l’opérateur qui paye les loyers : ce dernier présentera en Comité d’Entreprise des
comptes ne générant pas de résultat enlevant ainsi toutes vélléitudes de
revendications aux salariés. Mais cette particularité de générer des dividendes
sans avoir à payer d’impôts sur les sociétés dans le pays où l’on opère et où
l’on emploie des salariés n’est pas la seule du dossier.
Au niveau du Port :
Une dizaine de remorqueurs
assuraient les mouvements des navires, l’attente pour les usagers du port
apparaissait quand tous les remorqueurs étaient occupés. Aujourd’hui l’arrivée du deuxième opérateur a porté le
nombre des remorqueurs de 10 à 15 et a transformé les usagers du port en
clients , chacun des opérateurs ayant ses propres clients. L’attente pour un client apparaît non plus
quand la totalité des remorqueurs présente dans le port est occupée mais dés
que la totalité des remorqueurs de son fournisseur est occupée. Chacun des fournisseurs ne servant que ses seuls
clients. Cette situation c’est rencontrée plus d’une fois lors de ces derniers
mois.
La concurrence annoncée comme
salvatrice casse ainsi le flux continu du port, dessert l’intérêt des armateurs
qui gère les escales à l’heure prés ainsi que les intérêts du port dont la
fiabilité est mise en cause.
Au niveau de l’Administration :
L’arrêté préfectoral du 8 octobre
ayant prévu ce cas de figure ne permet théoriquement pas la particularité décrite
ci dessus et « oblige » les opérateurs à mutualiser leurs moyens.
Mais cette mutualisation ne peut s’entendre qu’à la condition expresse que les
deux opérateurs appliquent les mêmes réglementations sociales. Ce qui n’est pas
le cas. Peut être faut il aller voir vers d’autres particularités de ce
dossier.
Neutralité
d’une Inspection du Travail fortement mise à mal.
Le non respect intentionnel par
le nouvel opérateur des dispositions légales met fortement à contribution cette
Inspection du Travail qui est fortement sollicitée aussi bien par les salariés
que par les syndicats. Il est vrai que le code du travail maritime est un peu
particulier, mais il n’échappe pas pour autant à certaines règles, elles mêmes
reprises par des directives Européennes telles que la mise en place d’une
organisation du travail prévoyant les heures de repos et de travail, ainsi que
le respect d’un repos minimum prévu explicitement dans les conventions et
accords collectifs étendus. Pour d’étranges raisons ce planning n’est toujours
pas mis en place à bord des navires et ces périodes de repos ne sont pas en
pratique respectées. Sur de nombreux points de ce dossier l’Inspecteur du
travail Maritime reçoit ses instructions directement du Ministère.
Une
administration qui n’exerce pas son autorité :
Les possibilités de faire
naviguer un navire (d’armer un navire) sont liées à la présence à bord d’un
certains nombres de certificats, d’attestations etc..Parmi ces documents
administratifs , les fiches d’effectifs. Ces fiches d’effectifs sont délivrées
par l’Administration des Affaires Maritimes suite à un engagement de l’armateur
de respecter des modalités de travail et de mettre à bord un personnel
suffisant en nombre et en qualification : ces modalités sont résumées dans
les « décisions d’effectifs ». Dés lors il est très simple de
vérifier à tout moment si les engagements de l’Armateur sont respectés. Mais
étrangement cette vérification ne se fait pas et ce malgré les dénonciations
effectuées par les représentants syndicaux du non respect par le nouvel
opérateur de ses engagements.
Au niveau des Marins :
Politique
de recrutement des capitaines centrée sur des petits brevets :
L’arrivée de ce nouvel opérateur
a inauguré l’embauche de Capitaine de remorqueur muni d’un brevet de chef de
quart de la navigation côtière. Ces Capitaines issus pour la plus part de la
navigation de Plaisance sont beaucoup moins diplômés que leur chef mécanicien
mais perçoivent le même salaire. Les chefs mécaniciens quant à eux sont en
possession pour certains d’entre eux de Brevets Polyvalents mais n’ont pas la
possibilité de passer Capitaine et courent le
risque de perdre leurs
prérogatives pont. Néanmoins cette politique de recrutement permet d’ouvrir la
possibilité à un matelot muni de ce brevet « chef de quart de la
navigation côtière » d’accéder à des fonctions de Capitaine.
Une
organisation des salariés en un syndicat indépendant :
Lié à la particularité énoncée ci
dessus ou non, il est assez remarquable de constater que les salariés de ce
nouvel opérateur se soient regroupés en un syndicat indépendant suite à la
prise de position du ministère quant à l’obligation de versement par le nouvel opérateur de
compléments de salaire représentant 20% du salaire net de certaines catégories
de personnel. D’autant plus remarquable est la première revendication de ce
syndicat qui est de renoncer à ces compléments de salaire instauré par les
« Conventions collectives ».
Au niveau des Syndicats :
Recours contre les accords étendus
Un décret sur l’Organisation du
Travail des Gens de Mers dit décret du 31 mars 2005 a rendu obligatoire
l’extension d’accords collectifs du secteur du remorquage portuaire. Ces
arrêtés extensions font l’objet d’un recours en conseil d’Etat par le nouvel
opérateur à peine a t il débuté son activité. Les syndicats signataires se
voient dans l’obligation de mettre la main à la poche pour payer un avocat
(entre 15 et 20 000 Euros).
Harcèlement
et discrimination syndicale
Sur le terrain les délégués
syndicaux sont sanctionnés arbitrairement : avertissement, procédure de
licenciement, mise à pied sans salaire etc…menaces. Ces délégués syndicaux se
voient contraints de travailler exclusivement et systématiquement de nuit.
Contrairement aux délégués syndicaux nommés sur le fondement de deux
irrégularités (non contestées) par le syndicat Indépendant, la nomination du DS
CFDT fera l’objet d’un recours devant le tribunal d’Instance mené par les
dirigeants de ce nouvel opérateur.
Au niveau des Obligations légales et d’ordre
public :
Un Président Directeur Général de nationalité
Hollandaise et un Directeur Général de nationalité Française.
On pourrait
penser que pour pallier au Français un peu hésitant du PDG Hollandais le nouvel
opérateur a mis en place un Directeur Général Délégué de nationalité Française.
Non, bien au contraire ce Directeur Général refuse d’avoir des contacts avec
les représentants syndicaux et va jusqu’à refuser de donner une adresse
professionnelle où lui envoyer des courriers en recommandé. Ce déni de
responsabilité va bien évidemment à l’encontre des dispositions légales, celles
du code du commerce notamment. Cette particularité est d’autant plus
remarquable que ce Directeur exerçait au par avant de hautes responsabilité
dans le groupe de remorquage Français dit aujourd’hui concurrent et qu’il est
donc bien au fait de toutes les dispositions réglementaires de ce secteur.
Introduction d’une nouvelle notion du temps de travail
Le refus
d’appliquer les conventions collectives passent encore, le harcèlement et la
discrimination syndicale passent encore , mais la volonté de créer une
nouvelle notion du temps de travail qu’on pourrait qualifier de
travail/repos : soit d’être contraint d’être à la disposition de
l’employeur sans contre partie excepté si un travail dit productif est
accompli. Là, les limites sont dépassées et l’ordre public mis en danger.
CONCLUSION
Une société privée qui arrive et
qui au nom de la Concurrence, désorganise un port, met à mal des dispositions
d’ordre public, et dont certain des dirigeants n’assume pas leurs
responsabilités peut étonner et laisser l’administration les bras ballants. Les
syndicats ne resteront pas quant à eux inactifs et dénonceront et agiront pour
rétablir la situation tout en respectant, au contraire de ce nouvel opérateur ,
les principes qui régissent un état de droit.
Paul CARBANES